En ce temps-là, nombre de mariages n’étaient que conjugaisons d’intérêts, diplomatiques au plus haut niveau pour prévenir guerres et conflits, d’arrangements de voisinage pour accroître les propriétés ou purement financiers pour sauver les apparences… D’amour, il n’était que trop rarement question, et moins encore de désir ou de consentement mutuel entre amants… Des règles qui, chez nous, de nos jours, nous semblent totalement impensables et insensées… mais dont il faut se souvenir qu’elles perdurent encore dans nombre de pays… De «la cuisse légère» de jadis à la cougar d’aujourd’hui, de la prostituée exutoire d’antan aux sites de rencontres plus ou moins virtuelles, tout n’est que question d’appréciations, de différences civilisationnelles ou d’époque. «Tchekhov’ love» proposé cette année par l’atelier adultes des Comédiens au Chariot est un kaléidoscope non exhaustif de quatre de ses œuvres entremêlées, toutes centrées autour de ce thème inusable et universel de l’amour, décliné sous diverses formes. Ce qui fait tout le miel de tant de pièces ou farces de cet auteur, c’est la subtilité, le sens de la nuance, l’élégance du langage pour exprimer les non-dits ou effleurer les interdits… suggérer plutôt que dire, titiller l’esprit pour mieux susciter les corps… où, au-delà d’un vocabulaire daté voire suranné, l’imagination érotique aurait toute sa place… Un hymne version malicieuse et toute de sous-entendus, entre séduction doucereuse et pudeur de façade, où aventure d’un soir et idylle au long cours seraient les deux faces d’une même ferveur… C’est dire si, au-delà des costumes somptueux très belle époque, pour eux canotiers et costumes du dernier chic, pour elles crinolines, mains gantées et chapeaux extravagants que n’aurait pas reniés feu Élisabeth, ou plus rustres version moujik ours mal léché, les quiproquos délicieux, les répliques veloutées ou perverses, c’est selon, se dégustent avec gourmandise. Ce qui pourrait n’être qu’exercices de style se révèle, in fine, variations toutes de charmes où soufflent énergie et enthousiasme. Le plaisir que prend visiblement sur scène l’ensemble de la troupe infuse dans l’assistance, et les spectateurs sont au diapason. Tradition oblige comme toujours à l’issue de la représentation, boissons et gâteaux à partager… ternie par une note d’infinie tristesse pour tous, artistes comme public, l’annonce de la fermeture imminente de ce petit théâtre de poche historique, pour cause de travaux et donc avenir très incertain. On pourra revoir fin septembre cet excellent spectacle, mise en scène enlevée et jouissive signé Jacques Brière, à Olemps dans le cadre de la fête du village.
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