Lanceuses d’alertes

Il y a des personnes, anonymes ou non, qui par leur courage, leur abnégation, leur volonté indéfectibles ont changé le cours de l’Histoire de l’humanité et fait évoluer la société vers des lendemains meilleurs, «des destins uniques qui ont eu une portée collective». La toute nouvelle collection Karma des éditions Glénat s’est donné comme objectif de mettre en lumière quelques-un(e)s de ces éternel(le)s oublié(e)s. «Radium Girls» revient ainsi sur un épisode méconnu, le combat d’ouvrières américaines contre une multinationale où, pour des salaires de misère, il fallait peindre à la chaîne des cadrans lumineux avec une peinture à fortes doses de rayonnements ionisants… L’action se situe dans le New Jersey, à la fin des années 1910 où une nouvelle technique fait fureur pour permettre de lire l’heure dans le noir, l’utilisation massive de ce radium transformé en peinture fluorescente dont même son inventeur le docteur Von Sochocky doute à raison, puisqu’il en sera lui-même victime, essayant à chaque fois de prévenir le personnel de l’utiliser avec parcimonie. Et pour cause… Incitées sans cesse à épointer les pinceaux très fins nécessaires à leur travail, lesquels s’abîmaient constamment, avec les lèvres ou la langue pour les effiler, ces femmes vont peu à peu ingérer cette substance extrêmement nocive et toxique… et qu’elles utilisaient aussi pour retoucher le maquillage ou les ongles… jusqu’à rapidement être frappées d’anémie, de perdre leurs dents voire de souffrir de fractures osseuses ou de nécroses de la mâchoire!!! Les premiers décès suspects ne tarderont pas, dissimulés sous d’autres pathologies telle la syphilis, ce qui en outre permettait de nuire à ces personnes en les discréditant. Il faudra l’obstination de quelques-unes d’entre elles et l’aide d’un avocat pour assigner en justice l’entreprise, la faire condamner et, in fine, obtenir la reconnaissance du caractère de maladie professionnelle de toutes ces douleurs… Ce combat exemplaire changera à jamais la législation et les réglementations du travail y compris par exemple comme ultérieurement pour les employées des manufactures d’allumettes, qui, elles absorbaient du phosphore. Cette bande dessinée historique retrace au plus près cette histoire incroyable, le scénario tendu à l’extrême contrastant avec les teintes très estompées des illustrations pour lentement instiller l’angoisse de plus en plus prenante. Un album hommage signé Cy à Catherine Donohue, à Mae Keane et à leurs camarades «que nous n’avons pas le droit d’oublier une seconde fois», toutes ces pionnières d’un mouvement social de grande envergure. À lire de toute urgence!

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