Assiette anglaise

Depuis des années vous trottent dans la tête des mélodies ou des refrains qui ont explosé les ventes et fait les beaux jours des radios musicales surtout, et mondialisation et globish obligent des tubes de la culture dominante anglo-saxonne vous reviennent régulièrement en mémoire… Pas de panique vous n’êtes pas un cas isolé… Mais par contre, si un jour, vous a traversé l’esprit de traduire pour mieux les comprendre les paroles de ces rengaines, le spectacle proposé hier à l’Athyrium par l’équipe de la Baleine aurait pu vous apporter nombre de réponses. En effet la troupe des Franglaises ne propose rien moins que de reprendre mot pour mot ces textes pour en extraire la substantifique moelle comme aurait pu dire Rabelais. Et alors là, banco vous en tomberiez de votre siège tant la plupart des ces bluettes rivalisent dans le genre inanité, lieux communs voire vide sidéral. Et le spectateur pris à témoin de cet état de fait ne peut que s’esclaffer, à la fois par culpabilité d’avoir pu un jour fredonner de telles formules souvent creuses à pleurer et pour tout dire hors sol, que soudain pris de lucidité devant cet abîme qui lui dessille les yeux. Pour débuter et mettre tout le monde dans l’ambiance, un maître de cérémonie en smoking explique le but de la soirée et lit consciencieusement les premières lignes interpellant le public, à charge pour celui-ci d’essayer de deviner de quelle chanson il s’agit… et aussitôt la magie opère, chacun se laisse prendre au jeu, entre stupéfaction béate de «découvrir enfin ce que l’on chante» et un soupçon de malaise d’avoir pu jadis se faire ainsi berner. La troupe survoltée se déchaîne, dans une profusion de costumes tous plus hétéroclites les uns que les autres, multipliant les prouesses vocales, des chorographies audacieuses, des apartés théâtralisés, des reparties pétillantes ou des clins d’œil malicieux pour installer une atmosphère proprement délirante… Jusqu’à ce que soudain de très policé et méthodique, tout s’accélère pour devenir un joyeux capharnaüm, toujours plus déjanté où l’improbable ou la folie furieuse deviennent les nouvelles règles… Imparable pour susciter plus encore les zygomatiques. Des Garçons de la Plage aux Filles Épice, des standards de Reine ou des envolées des Gens du Village via la pluie pourpre qui ruisselle sur scène, ou en sens inverse une version inédite de «I regret nothing» par la môme Édith Sparrow, on touche au paroxysme, un nirvana de délire contagieux, pour le plus grand plaisir de tous. On regrette alors furieusement de ne pas être québécois, eux qui traduisent systématiquement chaque expression fût-elle ridicule pour valoriser leur langue … Et ne plus jamais succomber à de tels travers. Une excellente soirée!

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