Souffrances de plus en plus insupportables, honte à se regarder dans la glace et y découvrir chaque jour un corps que l’on refuse, douleurs que l’on s’inflige pour crier son désespoir, telle est la situation que vit au quotidien le personnage principal du film « Girl » de Lukas Dhont, jeune cinéaste flamand qui a décroché plusieurs récompenses lors du dernier Festival de Cannes dont la Caméra d’or couronnant le meilleur premier film toutes sections confondues. Née dans un corps de garçon, elle qui se sent fille dans toutes les fibres de son être entreprend en parallèle deux démarches très physiques aussi éprouvantes l’une que l’autre: d’une part la réassignation sexuelle ce qui suppose traitements longs, intervention chirurgicale lourde sans cesse différée et nombreux effets secondaires et, d’autre part, intégrer la meilleure école de danse classique du pays pour accomplir son rêve de décrocher la consécration suprême, le titre d’étoile. Cacher sa virilité avant de se glisser dans son collant, chausser des pointes qui martyrisent toujours davantage ses pieds, répéter encore et encore les mêmes enchaînements chorégraphiques chaque jour plus complexes, tant d’efforts dont l’issue est incertaine et qui la minent… Et pourtant elle bénéficie d’un soutien sans faille de son père qui les élève seul, elle et son petit frère, de son écoute toujours bienveillante et de son amour sans réserve, mais malgré cet environnement tout d’empathie et de compréhension, les doutes l’assaillent, l’inquiétude la ronge, une angoisse latente l’envahit… C’est dire que sur ce sujet éminemment casse-gueule, il fallait faire preuve de tact, du sens de la nuance, de respect et trouver la juste distance pour rendre à l’écran à la fois la volonté inébranlable de l’héroïne et combien sont immenses les difficultés dont il faut s’affranchir pour transformer cette enveloppe corporelle que l’on sait intimement ne pas correspondre avec son moi… Victor Polster qui tient le rôle titre, présent dans quasiment chaque plan est absolument exceptionnel dans ce registre tout de délicatesse, de pudeur et de sensibilité à fleur de peau. Son élégance discrète, sa beauté solaire irradie ce long métrage tout d’intelligence de bout en bout. Sélectionné par Télérama comme l’un des films de l’année que l’on peut voir à moindre prix, 3,5 € la séance, pendant cette quinzaine de rattrapage, il ne faut pas passer à côté tant il rend compte avec justesse d’une problématique longtemps demeurée invisible.
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Beau texte !